Quelle place pour le gaz demain dans le bâtiment ?

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Baptiste Perissin Fabert.

L’ADEME et GRDF ont récemment présenté conjointement leur Guide sur les usages des gaz renouvelables au sein des collectivités. Quels constats justifiaient la création d’un tel outil ?

B.P.F. : Le premier constat est que la méthanisation est la seule filière à être au rendez-vous de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Non seulement elle a atteint ses objectifs, mais elle les a dépassés. Il était donc important de valoriser cette dynamique.

Par ailleurs c'est une filière où les collectivités sont au centre du jeu. Il nous semblait donc opportun de créer un document donnant à voir des sources d'inspiration pour celles qui veulent s'engager dans cette démarche. On ressentait un besoin d’accompagnement des collectivités locales et un besoin de pédagogie pour valoriser le mieux possible cette ressource locale. Montrer aux administrés que les gestes de tri par exemple, avec les nouvelles réglementations sur la collecte des biodéchets, ça peut avoir des conséquences très concrètes sur l’approvisionnement en biogaz, pour les flottes de bus, les bennes à ordures, …

On voit également émerger des oppositions à la méthanisation et des signaux faibles sur les enjeux d’appropriation sociale. Personnellement, j'ai été surpris de voir les premières controverses arriver si vite. Il faut donc absolument montrer aux collectivités que c'est possible de se lancer, dans une logique territoriale respectueuse. Il y a de belles success story. L’enjeu est de persuader les collectivités que la méthanisation n’a rien de sorcier et ce guide est une façon de raconter des histoires très concrètes.

 

En quoi la coopération avec GRDF est-elle apparue comme une évidence pour accompagner cette démarche ?

B.P.F. : GRDF et l’ADEME ont déjà un long historique de coopération ; c'est la 5e convention de partenariat que nous signons ensemble. Vous avez le réseau et nous avons les soutiens nécessaires à l'installation de la production. Nous avons donc intérêt à développer un discours commun vis-à-vis des collectivités pour aller dans le même sens. C’était important de le faire ensemble.

Et notre collaboration va bien au-delà de de la méthanisation puisque nous partageons également des études prospectives, des sujets sur la mobilité…

 

Le guide s’attache aux usages locaux des gaz renouvelables, notamment dans la mobilité et le bâtiment. A l’heure où certains verraient d'un bon œil la fin des chaudières, comment trouver la voie qui permettra à la fois de tenir des objectifs ambitieux en matière de décarbonation tout en assurant la place des gaz renouvelables dans le bâtiment ?

B.P.F. : Il y a plusieurs éléments de réponse. L’important, c’est de ne pas se tromper d’horizon. En 2050, nous avons un objectif de neutralité carbone à l'échelle du  pays. Nos scénarios de prospective montrent que nous pouvons atteindre plus de 80% de gaz décarboné à cette échéance, si et seulement si on divise au moins par deux la demande.

Le biogaz sera donc une ressource très précieuse et il faut absolument prioriser ses usages là où il est plus difficile de le substituer. Par exemple pour répondre aux besoins de chaleur à très haute température dans l'industrie. Tout comme nous aurons sans doute besoin de centrales au biogaz pour équilibrer le système électrique au moment de la pointe.

Dans le bâtiment, à horizon 2050, les besoins seront sans doute très ponctuels avec le développement des PAC hybrides pour gérer cette même pointe, justement. Si on étudie le parc de bâtiments tel qu’il est chauffé aujourd’hui, il est évident que nous ne pourrons pas jouer la carte du tout électrique du jour au lendemain.

La réalité, c’est qu’on ne peut pas faire tout l’un ou tout l’autre en quelques années. Donc on ne peut pas se dire qu’à priori, il n’y aura plus du tout de gaz dans le bâtiment. La question centrale qui se pose, c’est : comment fait-on ce chemin et à quelle vitesse, pour s'assurer qu’on ne va pas casser toute la filière ?

La priorité, c’est de verdir le gaz. Or nous sommes encore très loin d’avoir épuisé le potentiel du biogaz et de la méthanisation. Il faut donc aller chercher la biomasse, valoriser tout ce qui peut l’être (CO2 fatal par exemple), explorer les promesses de la pyrogazéification, accompagner la filière…

Gardons à l’esprit qu’il est nécessaire de ménager des options où le gaz n’est pas complètement absent et de capitaliser sur l’infrastructure existante pour faire circuler ce gaz vert.