En janvier dernier, RTE – le Réseau de transport d’électricité – a publié le volet Bâtiment de son Bilan prévisionnel 2023. Cet exercice prospectif compare un certain nombre de scénarios destinés à accélérer la sortie des combustibles fossiles pour le chauffage.
Alors que la future Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) doit prochainement fixer pour 10 ans les priorités et les objectifs de la France en matière énergétique, Coénove a voulu nourrir la réflexion en avançant des hypothèses complémentaires. Une étude menée par la société Artelys a ainsi permis d'évaluer l’intérêt des pompes à chaleur hybrides par rapport aux PAC électriques, mais aussi la contribution du gaz vert.
Jean-Charles Colas-Roy, président de Coénove, nous en dit plus sur cette initiative et les alternatives proposées.
Pourquoi mettre la PAC hybride au centre d’une étude prospective sur la décarbonation du bâtiment ?
JC CR : « Encore trop méconnue du grand public, la PAC hybride, qui associe une pompe à chaleur électrique à un appoint gaz 100 % compatible avec les gaz verts, répond de façon optimale à l’ensemble des enjeux de la transition énergétique du secteur des bâtiments.
C’est une solution technique compétitive pour les usagers, qui apporte du confort, une bonne gestion de l’eau chaude sanitaire et qui réduit leur facture. La PAC hybride s’intègre aussi bien dans les logements neufs que dans l’existant, y compris en cas de rénovation progressive car on ne surdimensionne pas la puissance et donc le coût des appareils installés.
Elle est écologique en réduisant immédiatement et significativement les consommations et les émissions de CO₂ et elle est utile pour le système énergétique dans son ensemble, en apportant flexibilité et résilience dans un secteur des bâtiments très thermosensible et générateur de forts appels de puissance en période hivernale.
Enfin, la PAC hybride est un équipement stratégique car il favorise la filière industrielle franco-européenne experte du chauffage sur boucle à eau chaude, de la bio-combustion et des solutions hybrides.
L’étude que nous avons conduite avec la société Artelys montre que, sur la base d’hypothèses affinées et de travaux précis sur le fonctionnement des systèmes en configuration réelle, les PAC hybrides présentent un réel intérêt par rapport aux PAC entièrement électriques. »
Quels principaux enseignements faut-il retenir de l’étude ?
JC CR : « Trois messages clés ressortent très nettement :
- Les PAC hybrides génèrent un gain net pour le système énergétique
En analyse en coût complet, en se projetant en 2030 et en remplaçant 700 000 PAC électriques air/eau par des PAC hybrides dans le scénario d’électrification de référence de RTE, on obtient :
- jusqu’à 160 millions d’euros d’économies annuelles pour la collectivité ;
- une réduction de 700 MW des capacités de pointe, soit une division par plus de 5 ;
- des émissions de CO₂ équivalentes.
- Un mix plus équilibré limite l’explosion de la pointe électrique
En tenant compte des contraintes réelles du parc, un scénario d’électrification massive entraîne un surcroît de +3,6 GW de pointe. Un mix avec davantage de chaudières performantes (THPE) et de PAC hybrides réduit la pointe, contribue à la sécurité d’approvisionnement du pays et permet à notre système énergétique d’être plus résilient face à différents aléas qui peuvent survenir (moindre rénovation des logements, problème systémique sur le parc de production nucléaire, …).
- Le biométhane change la donne
En portant l’injection à 20 % de gaz vert en 2030, les émissions diminuent jusqu’à –0,29 Mt CO₂/an en France et –2,28 Mt CO₂/an en Europe par rapport au scénario d’électrification de référence de RTE, tout en restant économiquement favorable pour la collectivité et les ménages.PAC hybrides, mix équilibré d’équipements et développement rapide des gaz verts constituent donc des choix optimums et sans regret pour la transition énergétique du secteur des bâtiments. »
Concrètement, comment donner à la PAC hybride les moyens d’un changement d’échelle ?
JC CR : « Nous identifions trois leviers d’actions prioritaires :
- Reconnaître pleinement le rôle stratégique des PAC hybrides dans la décarbonation
Cela signifie qu’il faut intégrer la PAC hybride dans la PPE 3, comme une solution à part entière, capable de réduire les coûts, de sécuriser l’approvisionnement et d’apporter de la flexibilité au système énergétique.
- Adapter les cadres de soutien et de rénovation
Il faut que les dispositifs publics (aides, trajectoires de remplacement, fiscalité, …) prennent en compte la diversité des situations de terrain. La PAC hybride doit être encouragée là où la PAC électrique fait face à des difficulté techniques ou économiques d’implantation, afin d’éviter les reports massifs vers « l’effet Joule » fortement générateurs de pointe électrique.
- Accélérer le développement du biométhane
Atteindre 20 % de gaz vert en 2030 est essentiel pour décarboner le parc gazier existant et donner tout son sens à l’hybridation. C’est un levier rapide, industriellement mûr et cohérent avec les trajectoires de la filière. »