Gaz vert : quelle est cette énergie d’avenir ?

Face à l’urgence climatique, à la nécessaire réduction de notre dépendance aux énergies fossiles et à la recherche d’une plus grande souveraineté énergétique, le gaz vert, et plus particulièrement le biométhane, s’impose comme un levier incontournable.
Depuis plus de dix ans, les efforts conjugués des producteurs, des distributeurs, des collectivités et des pouvoirs publics ont permis l’essor d’une filière déjà performante et très prometteuse, pouvant compter sur les infrastructures gazières existantes.
Le gaz vert, ou biométhane, est une énergie renouvelable produite localement à partir de la fermentation de matières organiques et de biodéchets, qui valorise les ressources issues des territoires.
Crédits : GRDF
Le gaz vert est produit sur les territoires grâce à la méthanisation, processus biologique naturel au cours duquel des micro-organismes, en l’absence d’oxygène (anaérobie), dégradent de la matière organique pour produire du biogaz.
Sur une site de méthanisation, cette matière organique (l'intrant) est placée dans un digesteur, une cuve fermée où les micro-organismes la décomposent.
Le biogaz est ensuite épuré, c'est-à-dire qu'on en retire le CO2 pour ne conserver que le méthane biogénique, aussi appelé biométhane ou gaz vert. Celui-ci peut alors être injecté dans le réseau de gaz naturel ou utilisé pour produire de l’électricité ou de la chaleur.
C’est comme dans l’estomac d’une vache mais avec des matières organiques beaucoup plus variées :
D’autres technologies existent pour produire du gaz vert ; elles font l’objet d’un rapide tour d’horizon dans le dernier chapitre de ce dossier.
Le gaz vert et le gaz naturel partagent la même molécule, le méthane (CH4), mais diffèrent fondamentalement par leur origine et leur impact environnemental.
Alors que le gaz naturel est un combustible fossile extrait des sous-sols, le biométhane est produit, comme on l’a vu, à partir de déchets organiques.
Selon les calculs effectués par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans sa Base carbone, une référence officielle pour les analyses du cycle de vie en France, le gaz vert émet cinq fois moins de gaz à effet de serre que le gaz naturel.
Le gaz vert représente aujourd’hui 3,2 % de la consommation totale de gaz en France, avec une capacité totale de production dépassant les 14 TWh par an, selon l'édition 2024 du Panorama des gaz renouvelables. Si ce chiffre peut sembler relativement faible, rappelons qu'il représente l'équivalent de la consommation annuelle de 3,5 millions de logements neufs.
Par ailleurs, pour mieux saisir le potentiel du gaz vert, il suffit de regarder dans le rétroviseur : il y a quinze ans, la filière biométhane partait de zéro. La première injection dans le réseau de gaz issue d’une unité de méthanisation date de 2011, et la France ne comptait qu’une centaine d’installations en service en 2019.
Depuis, la filière a connu un essor spectaculaire puisqu’à fin 2024, 731 unités de méthanisation injectaient du biométhane dans les réseaux de gaz en France. Le développement du biométhane s'est fait à un rythme bien plus rapide que les autres filières d'énergies renouvelables !
Crédits : Patrick Guillon - GRDF
Crédits : Patrick Guillon - GRDF
Le gaz vert représente un atout majeur pour accélérer la transition énergétique de la France. Non seulement il contribue à décarboner et à diversifier le mix énergétique des territoires mais il s’inscrit également dans une logique d’économie circulaire en créant des ponts entre production agricole, gestion des déchets et besoins énergétiques.
Aujourd’hui, les initiatives liées à la méthanisation se multiplient et les projets se diversifient pour répondre aux enjeux climatiques et au besoin d’une énergie d’avenir produite en France, au plus près des territoires. Et profiter de ses avantages.
Crédits : GRDF
À ses débuts, la filière gaz vert s’est développée sur le modèle de la méthanisation à la ferme, sous l’impulsion de pionniers convaincus des atouts du biométhane. Les agriculteurs ont d’abord implanté des structures à taille humaine sur leurs exploitations, qui leur permettaient de valoriser certains de leurs déchets tout en s’assurant un complément de revenus et en produisant un engrais naturel : le digestat.
Dans l’Hexagone, le site qui fait figure de référence de ce modèle est celui des frères Quaak installé à Chaumes-en-Brie (Seine-et-Marne) en activité depuis 2013.
À l’heure actuelle, le méthaniseur à la ferme reste le modèle le plus répandu dans la production de biométhane. Cet équipement installé directement dans les exploitations agricoles présente de nombreux avantages, tant pour les agriculteurs que pour l’environnement :
La méthanisation permet de traiter les déchets agricoles, souvent problématiques pour les agriculteurs. Plutôt que de les laisser se décomposer dans les champs, ils sont valorisés de manière durable.
En transformant le fumier et les résidus agricoles en biométhane, le méthaniseur exploite le gaz à effet de serre qui serait, sinon, naturellement libéré dans l’atmosphère.
Les agriculteurs produisent ainsi leur énergie, soit pour leur propre consommation (chauffage, électricité), soit pour alimenter des installations externes. Cela augmente l'indépendance énergétique des exploitations.
La vente de biométhane (injecté dans le réseau) et de certificats verts associés à cette production permet aux agriculteurs de générer des revenus supplémentaires, ce qui peut contribuer à diversifier les sources de financement pour leur activité et à stabiliser ainsi la filière agricole française.
À la fin du processus de méthanisation, subsiste un résidus de matières organiques appelé digestat. C’est un engrais naturel utilisé par les agriculteurs comme fertilisant pour enrichir leurs sols. Le digestat permet de substituer une part importante d'engrais chimique, réduisant ainsi les coûts pour l'agriculteur et les pollutions associées.
Pour mieux mesurer les bénéfices environnementaux de ce digestat, GRDF et le WWF France ont mené en 2020 une étude d’impact sur les sols. Il en ressort que l’apport de digestat améliore la structure et la fertilité des sols, favorise la biodiversité microbienne et limite l’érosion. À long terme, cela renforce donc la résilience des terres agricoles face au changement climatique.
Parallèlement aux premiers sites de méthanisation portés par des agriculteurs, d’autres essais ont été menés un peu partout sur le territoire français et ont permis d’élargir l’horizon de la méthanisation.
Loin de s’opposer, les différents modèles trouvent leur pertinence en fonction des spécificités territoriales : zones agricoles à dominante élevage pour les unités à la ferme, territoires urbains ou périurbains pour les unités industrielles, etc. Dans certains cas, ils peuvent même se compléter, en mutualisant la logistique, les débouchés pour le digestat ou en structurant des filières d’approvisionnement communes.
Cette complémentarité permet d’utiliser au mieux les capacités de production de gaz vert sur tout le territoire, en maximisant l’utilisation des ressources organiques disponibles, tout en créant de la valeur ajoutée locale : emplois non délocalisables, revenus pour les agriculteurs, ou encore approvisionnement énergétique durable pour les collectivités.
Crédits : GRDF
Les déchets exploitables par les méthaniseurs (effluents d’élevage, résidus de culture, boues des stations d’épuration...) représentent une richesse pour chaque territoire qui les exploite. Cette ressource étant par nature différente d’un territoire à l’autre, les possibilités de méthanisation ne sont pas les mêmes partout.
Depuis le 1er janvier 2024 et la mise en application de la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire), les biodéchets ménagers (restes alimentaires, déchets de cantines, tontes de pelouse, déchets de marchés) sont désormais eux aussi une matière première, un intrant disponible pour la méthanisation. La loi AGEC impose en effet à toutes les collectivités françaises de proposer aux citoyens une solution de tri à la source des biodéchets.
La diversité des ressources exploitables par la méthanisation est un véritable atout puisqu’elle permet de développer une production de gaz vert adaptée aux territoires, sans créer de pression excessive sur une seule ressource. En valorisant des déchets multiples, la méthanisation renforce son rôle de solution territoriale, circulaire et durable, pour produire de l’énergie tout en réduisant les impacts environnementaux.
Cette économie circulaire repose sur un approvisionnement local et met en lumière la question de la disponibilité des intrants pour la méthanisation, et plus largement de la biomasse, c'est-à-dire l'ensemble des matières organiques d’origine animale ou végétale pouvant se transformer en énergie.
Trop souvent, on évoque une « concurrence des usages » ou une rareté annoncée.
Or, il est essentiel de rappeler qu’il n’existe pas une mais des biomasses. Chacune a ses filières de valorisation, ses spécificités, ses usages : la biomasse agricole, la biomasse urbaine, la biomasse industrielle ou forestière, etc. Et ces usages sont complémentaires, pas concurrents.
La méthanisation a d’ores et déjà participé à la création de milliers d'emplois directs pérennes et non délocalisables, par la mobilisation des agriculteurs, d’ingénieurs, de chauffeurs, de techniciens, d'intervenants de maintenance, etc.
En début d’année, France Gaz a publié le premier baromètre des entreprises du secteur des gaz renouvelables : ce document met en avant les nombreux acteurs en amont et en aval de la chaîne de valeur, en particulier les constructeurs, les maîtres d’œuvre, les équipementiers, les bureaux d’études ou encore les développeurs.
Plus de 600 entreprises interviennent dans le secteur. Leur essor ces dernières années a ainsi permis la création d’une véritable filière industrielle verte « made in France » qui, en 2023, a contribué à l’économie française à hauteur de plus de 3 milliards d’euros et à la création de plusieurs milliers d’emplois directs.
Comme vu plus haut, le gaz vert a les mêmes propriétés que le gaz naturel. Aussi, ses consommateurs comme ses usages correspondent en tous points à ceux du gaz naturel.
Chauffage et eau chaude : le biométhane peut alimenter les chaudières à gaz des logements, et offre ainsi une solution renouvelable sans modification des équipements. Les chaudières à très haute performance énergétique (THPE), particulièrement efficaces, optimisent cette démarche en consommant moins de combustible pour un même confort thermique. Autre solution prometteuse : la pompe à chaleur hybride (PAC hybride), qui combine une chaudière gaz THPE et une pompe à chaleur électrique. Elle bascule intelligemment entre les deux sources d’énergie selon les conditions climatiques, offrant une performance optimale et décarbonée toute l’année.
Cuisine : il est utilisé pour les plaques de cuisson et les gazinières, tout comme le gaz naturel.
Votre fournisseur d'énergie a sans doute une offre gaz vert à vous proposer.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le comparateur d'offres d’électricité et de gaz naturel du médiateur national de l’énergie.
Chauffage et eau chaude sanitaire : comme les particuliers, les collectivités s'appuient aussi sur le gaz pour répondre aux besoins de chaleur de leurs infrastructures (écoles, hôpitaux ou équipements sportifs).
Alimentation des réseaux de chaleur : les villes peuvent intégrer du gaz vert dans leurs chaufferies urbaines pour produire l'eau chaude ou la vapeur nécessaire.Éclairage public et production d’énergie locale : certaines collectivités exploitent des unités de cogénération (production simultanée d’électricité et de chaleur).
Chauffage et eau chaude sanitaire : les bâtiments à usages industriels ou professionnels ont les mêmes besoins que les autres bâtiments.
Procédés industriels : les usines, notamment dans l’agroalimentaire et la chimie, utilisent du gaz pour leurs besoins en chaleur et en vapeur. En utilisant du biométhane, les industriels décarbonent ces usages.
Alimentation des data centers et autres infrastructures énergivores
Poids lourds, bus et flottes municipales : le biométhane utilisé comme carburant et appelé BioGNV (version renouvelable du gaz naturel pour véhicules), offre une alternative propre aux carburants fossiles, en particulier dans le transport lourd. En 2024, le BioGNV a représenté 53,8 % du gaz naturel véhicule (GNV) consommé en France.
Agriculture et engins spécialisés : certains tracteurs et machines agricoles fonctionnent au BioGNV, bouclant ainsi un cycle vertueux en utilisant l’énergie issue des exploitations.
En tant que distributeur de gaz, GRDF exploite le réseau gazier pour le compte des collectivités qui en sont propriétaires. Si sa mission première est d’en assurer la sécurité et l’entretien, elle consiste aussi à développer et moderniser les infrastructures pour les adapter aux nouveaux besoins. Avec le développement du gaz vert, l’entreprise adapte continuellement le réseau pour accueillir cette énergie d'avenir et encourager son appropriation par les territoires qui cherchent à se décarboner.
Pour cela, GRDF continue d’investir dans la recherche et développement (R&D) et explore des solutions pour optimiser les capacités de collecte du gaz vert, réduire les coûts d’injection et améliorer la flexibilité et le rendement des unités de méthanisation.
GRDF est également à l‘origine de nombreux appels à projet et documents de référence, comme le guide sur les usages des gaz renouvelables, conçu en partenariat avec l’ADEME, que vous pouvez découvrir ci-dessous :
Fin 2024, toujours avec l’ADEME, GRDF a lancé un collectif de territoires engagés pour favoriser l’essor des gaz renouvelables au niveau local. Le collectif regroupe une trentaine de membres qui s’engagent à partager leurs expériences positives et les bonnes pratiques, permettant d’accélérer la production et l’usage local des gaz renouvelables au bénéfice des territoires.
Cette initiative met en relation les collectivités qui ont déjà fait le choix du gaz vert avec celles qui voudraient franchir le pas.
La production de gaz renouvelables et bas-carbone profite d’une réelle dynamique et pourrait être multipliée par cinq en quelques années. Une ambition forte, en phase avec les grands objectifs européens en matière d'énergie.
Crédits : GRDF
La filière de production des gaz renouvelables et bas-carbone affiche des ambitions fortes pour le développement du gaz vert. Selon le rapport Perspectives Gaz 2024, son potentiel lui permettrait d’accroître rapidement et significativement les volumes de gaz produits en France. Ces perspectives gaz prévoient une production de 60 TWh dès 2030, soit 20 % de la consommation globale de gaz. Le double devrait être produit en 2035 et la courbe laisse entrevoir une couverture à 100 % de la demande nationale dès 2050.
Cette perspective est cohérente avec les objectifs fixés par l’Europe. En 2024, la production de biométhane au sein de l’Union européenne s’élevait à 54,7 TWh. Un niveau qui devrait encore progresser dans les années à venir puisque dans le cadre de son plan «REPowerEU», la Commission européenne a annoncé en 2022 un objectif de production de 35 milliards de mètres cubes au sein de l’Union européenne d’ici 2030, soit l’équivalent de 20 % de la consommation continentale totale.
Crédits : Patrick Guillon - GRDF
Cette ambition implique néanmoins une mobilisation accrue des acteurs publics et privés pour soutenir l'innovation, faciliter les démarches administratives et encourager les investissements dans la filière. La mise en place de politiques incitatives et de cadres réglementaires adaptés sera déterminante pour atteindre ces cibles et faire du gaz vert un pilier de la transition énergétique française.
C’est dans cette optique que les principaux distributeurs de gaz européens, regroupés au sein de l’association GD4S (Gas Distributors for Sustainability), ont par exemple récemment appelé à accélérer sur les gaz renouvelables en identifiant cinq actions prioritaires :
Il est urgent de supprimer les obstacles réglementaires et financiers qui freinent aujourd’hui l’injection de biométhane dans les réseaux. Le biométhane doit être pleinement reconnu comme un levier de décarbonation dans le cadre des outils de marché.
L’objectif de 35 milliards de m3 de biométhane fixé par le plan REPowerEU doit être décliné à l’échelle des États membres, en tenant compte des capacités de production et des besoins spécifiques de chaque pays.
Des obligations d’incorporation, des mécanismes d’incitation à l’investissement et de financements ciblés doivent être mis en place tout en assurant le développement et l'adaptation des infrastructures existantes (transport, stockage, distribution).
Les consommateurs – particuliers, industriels ou collectivités – doivent pouvoir choisir librement la solution de décarbonation la plus adaptée à leurs besoins, qu’elle repose sur l’électricité, le gaz renouvelable ou la chaleur.
Le biométhane représente une solution locale, compétitive et immédiatement disponible, en particulier dans les zones rurales ou les secteurs difficiles à électrifier. Il doit être pleinement intégré dans la stratégie européenne de transition énergétique.
Pour en savoir plus sur GD4S et cet appel à l'action :
Au-delà de cet appel à une action politique forte, les acteurs de la filière insistent sur le fait que si la méthanisation est aujourd’hui la principale technologie mature de production de gaz renouvelables, de nouveaux procédés sont en cours de développement, qui devraient contribuer à atteindre les objectifs fixés.
En outre, ces nouvelles méthodes de production s'appuient sur d'autres types de déchets aujourd'hui difficilement voire non-recyclables.
Procédé de conversion thermochimique qui permet la production de gaz vert à partir de résidus solides dont le taux d’humidité est inférieur à 20 % (déchets de bois et cartons souillés par exemple).
Pour en savoir plus, cliquer ici.
Procédé thermochimique qui permet la production de gaz à partir de déchets ou de mélange de déchets dont le taux d’humidité est entre 50 et 80 % (boues de stations d'épuration par exemple).
Pour en savoir plus, cliquer ici.
Procédé qui permet de produire du CH4 (ou méthane) en combinant du CO2 et de l’hydrogène obtenu à partir de l’électrolyse de l’eau. Lorsque l'électrolyse est réalisée à partir d’électricité renouvelable, le power-to-gas devient une solution de stockage pour l’énergie renouvelable, en la transformant en gaz pouvant être stocké et utilisé ultérieurement.
Alors que la transition énergétique s’impose comme un impératif collectif, le gaz vert incarne une solution concrète, déjà opérationnelle et au fort potentiel. En conciliant performance environnementale, dynamisme économique local et indépendance énergétique, il coche toutes les cases d’une énergie durable, ancrée dans les territoires et portée par une filière innovante.
Le cap est clair, les technologies progressent, les acteurs sont mobilisés. Il appartient désormais à la puissance publique, aux collectivités et aux citoyens de jouer pleinement leur rôle pour faire du gaz vert non plus une alternative, mais une composante essentielle de notre mix énergétique décarboné, indispensable à la souveraineté énergétique du pays.