
Un an après l'entrée en vigueur de l'obligation du tri à la source des biodéchets au 1ᵉʳ janvier 2024, le bilan national reste mitigé, car encore loin des objectifs fixés : moins de 40 % des Français ont accès à une solution de tri selon l’Ademe. Toutefois, quelques bons élèves tirent leur épingle du jeu. Pour l’Île-de-France, Yann Wehrling, Vice-président chargé de la Transition écologique, du Climat et de la Biodiversité de la Région Île-de-France, se dit très satisfait par les résultats encourageants qu’il a constatés. Comment la mise en place s’est-elle déroulée ? Quelles ont été les difficultés ? Retour sur une année francilienne placée sous le signe des biodéchets !
« 74 % des zones pavillonnaires franciliennes bénéficient déjà d'une solution de tri »
« Un an après, l'ensemble des collectivités franciliennes ont engagé le déploiement d'au moins un dispositif de tri à la source », affirme Yann Wehrling. Collecte en porte-à-porte, points d’apports volontaires ou encore composteurs individuels ou collectifs à domicile, les dispositifs de tri ne manquent pas. « Pour deux tiers des Franciliens, le déploiement est programmé entre 2024 et 2026 », précise l'élu régional.
Cette progression s'appuie sur un travail de fond mené par les collectivités du territoire : 80 % d'entre elles ont finalisé une étude préparatoire en 2024, et 55 % ont réalisé une caractérisation détaillée de leurs ordures ménagères. Ces résultats, qualifiés de « bonne dynamique » par Yann Wehrling, témoignent d'une réelle mobilisation des acteurs locaux.

Des solutions adaptées aux territoires…
La stratégie de collecte des biodéchets adoptée en Ile-de-France est variée, avec le compostage de proximité, des points d'apport volontaire et de la collecte en porte-à-porte. « Le compostage reste la solution la plus mise en œuvre par les collectivités car la plus économique comparée à la collecte en porte-à-porte, même si cette dernière permet de collecter des tonnages plus importants », souligne Yann Wehrling.
La collecte, qu’elle soit en porte-à-porte ou en points d’apport volontaire, est d’autant plus intéressante qu’elle permet de valoriser les déchets collectés en énergie renouvelable. La Région dispose déjà de 13 unités de méthanisation pour traiter les biodéchets. D’autres sont à l’étude pour traiter les futurs volumes supplémentaires qui seront collectés. Cette stratégie mixte entre les différentes solutions de collecte et de traitement permet de s'adapter aux spécificités de chaque territoire, tout en maintenant l'efficacité du dispositif. Il est essentiel que chaque collectivité étudie la meilleure solution en fonction de ses besoins avant de se lancer.
… et des défis en commun
Malgré ces avancées, plusieurs obstacles subsistent. « Les collectivités font face à un défi financier majeur, car cette obligation de collecte ne s’est pas accompagnée de ressources supplémentaires », explique le vice-président. Les collectivités ont donc dû puiser dans les fonds consacrés à la collecte de déchets.
L’association Zero Waste France, elle, déplore un retard dans l’installation des infrastructures par certaines collectivités. Elle pointe du doigt la réduction du Fonds Vert – dispositif national qui accompagne les collectivités territoriales dans leurs projets environnementaux incluant la gestion des biodéchets – de 500 millions d’euros en 2024[1]. Elle dénonce également le manque d’accompagnement et de sensibilisation des citoyens.
En Île-de-France, cette question de la sensibilisation reste centrale. « Les biodéchets ne sont pas des déchets comme les autres, ils sont précieux » insiste Yann Wehrling. Ils sont composés de matières organiques et peuvent être transformés en fertilisant ou amendement ou en gaz vert (en remplacement du gaz naturel), « ne pas trier serait un immense manque à gagner ». C’est pourquoi, la Région organise des événements d'information et publie des guides pratiques pour accompagner les élus et les citoyens. Ainsi, la Région Île-de-France a réalisé un kit de lutte contre le gaspillage alimentaire et l’association « Le Cluster Eau Milieux Sols » a élaboré un guide de formation sur les biodéchets.
Même si le nombre de français pratiquant le tri des biodéchets, est passé de 54 à 62 %[2] depuis 2023, ce geste exige un véritable effort citoyen, souvent perçu comme contraignant. « L'idéal serait de rendre le geste de tri aussi simple que possible, des solutions sont actuellement à l'étude », affirme l'élu. Des innovations émergent : certaines collectivités développent des systèmes de collecte en sacs, simplifiant le processus pour les particuliers. Ces sacs, une fois jetés, sont vidés en usine et leur contenu intégré au compost.
Un accompagnement régional structuré
Pour soutenir cette transition, la Région Île-de-France a mis en place un dispositif d'accompagnement conséquent. « Depuis 2016, nous avons financé 133 projets pour un montant de 12,2 millions d'euros », détaille Yann Wehrling. Ces financements ont permis de soutenir 25 études, 8 déploiements de collecte et 77 solutions de gestion de proximité. Plus spécifiquement, ces investissements ont participé au financement de 9 plateformes de compostage, 6 installations de prétraitement et d'hygiénisation des déchets et des 13 unités de méthanisation.
Les établissements scolaires sont particulièrement ciblés par cet accompagnement. « Chaque commune travaille avec les lieux d’enseignement en direct, pour proposer des solutions adaptées », explique Yann Wehrling. Les cantines scolaires sont généralement collectées en porte-à-porte dans le cadre de la collecte classique mise en place par la collectivité. Cette approche permet d'initier efficacement les démarches de tri à l'échelle d'un territoire, en commençant par des sites où les pratiques peuvent être plus facilement encadrées et suivies.
« Montrer les réussites pour rassurer sur la faisabilité et les bénéfices »
La Région s'est fixé des objectifs ambitieux dans le cadre de son Plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD). Le plan vise la mise en place d’un compostage de proximité pour tous les Franciliens et la réduction du gaspillage alimentaire de 50 % d'ici à 2025 et de 60 % d'ici à 2031 par rapport à 2015.
Pour que les collectivités puissent effectuer correctement leurs missions, l’élu insiste sur la nécessité de renforcer les moyens humains et de maintenir les aides financières, tout en développant les synergies entre les différents acteurs de la chaîne. « Il est essentiel de montrer les réussites pour rassurer sur la faisabilité et les bénéfices, qui ne sont pas uniquement monétaires », conclut Yann Wehrling.
Bon à savoir
Depuis le 1er janvier 2024, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire rend obligatoire le tri à la source des biodéchets pour tous : citoyens, industriels, collectivités et autres acteurs économiques.
- Un biodéchet est un déchet alimentaire ou déchet vert, biodégradable. Il s’agit par exemple de toutes les denrées alimentaires comme les épluchures de légumes, les restes de yaourts, etc.
- En moyenne, un foyer produit 83 kg de déchets alimentaires par an dont 40 à 60 kg sont généralement valorisables, soit par compostage, soit par méthanisation
- Le potentiel mobilisable des biodéchets pour produire du gaz vert par méthanisation peut atteindre jusqu’à 9 TWh/an soit l’équivalent de la consommation de plus de 2 millions de logements neufs qui se chauffent au gaz.
Retrouvez la bande dessinée de Yann Wehrling, Vice-Président de la Région Ile-de-France, consacrée aux déchets et découvrez quelques bonnes idées pour en limiter la production.
[1] Circulaire du 04 avril 2024 relative au déploiement du fonds vert (fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires dans le contexte du plan national d’économies)
[2] Sur les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête de la société SEPUR.